Mission, vision, valeurs… Facile de se perdre dans la panoplie des “must have” du discours, de l’identité et de la plateforme de marque. Certaines entreprises développent ces briques sans plus savoir à quoi chacune est supposée servir. Au bout du compte : des éléments de langage en forme de profession de foi confuse et une plateforme de marque sans corrélation avec les besoins de communication de l’entreprise. Ecueils.
Une plateforme de marque en 2023
Que doit contenir une plateforme de marque en 2023 ? Les articles web qui veulent vous l’expliquer sont nombreux, diffusant l’idée qu’il existerait un standard de plateforme de marque, bon à tout, définitif et infaillible, aussi utile et bien rangé qu’une caisse à outils offerte une fête des pères.
Bons élèves, les entreprises appliquent ces consignes – particulièrement les PME et ETI qui veulent professionnaliser leur communication, et sont moins calibrées pour ce prêt-à-porter du branding. Les voilà donc qui s’astreignent à développer scrupuleusement tous les items de la plateforme de marque (mission, vision, valeurs, raison d’être…), pour “cocher les cases” sans toujours cerner l’utilité spécifique de chacune.
Ainsi, il n’est pas rare que certains clients nous appellent au secours, à la fin projet de marque initié en interne et emmêlé dans la pelote des notions trop absconses, des formulations réversibles, des attributs de marque trop nombreux, des “caractéristiques” de marque, traits de personnalité, valeurs, promesses… La mission : récupérer ce qui est récupérable et remettre le tout en ordre de marche.
Écueils fréquents de la plateforme de marque
Les confusions et écueils autour de la construction de sa plateforme de marque sont courants. Parfois, les éléments rédigés sont interchangeables : la “mission” pourrait aussi bien s’appeler “vision” et inversement. Ils se paraphrasent et s’expriment en termes d’autant plus opaques qu’ils cherchent justement à dissimuler ce défaut. Chez d’autres, les “valeurs” ne sont pas toujours de véritables valeurs mais une sélection de “mots importants” qui ne savent pas s’ils désignent l’éthique de l’entreprise, les qualités humaines qu’on y trouve, les comportements souhaités ou encore les stickers à dérouler aux murs de la caféteria.
Ces incohérences relèvent d’une erreur fondamentale de conception et se traduisent en général par un défaut structurel : la plateforme dans son ensemble ne laisse pas percevoir son utilité et ses applications possibles à ceux censés l’utiliser. A qui déclamer ces “valeurs” ? Dans quelles situations recourir à ces phrases entre prose corporate, fiche d’identité ou de raison sociale, et manifeste politique aseptisé ? Si ceux qui doivent écrire ou parler au nom de la marque ne perçoivent pas le potentiel d’exploitation des messages, la plateforme manque sa vocation première.
Autre écueil : le souci d’exactitude, qui faute de parvenir à dire l’entreprise avec vérité, s’efforce de dire des choses qui ne sont pas fausses. Cela donne des “mission statement” d’entreprises qui “pourvoient des solutions multi-services” pour “satisfaire des besoins spécifiques”, le tout “de façon responsable”, et nous voilà bien avancés ! Privilégier les formulations approchantes, exhaustives et englobantes (mais forcément désincarnées) se fait toujours au détriment d’un langage concret, tangible et savoureux.
Ce même souci d’exactitude peut enfin faire oublier la nécessité d’être concis. Mieux vaut trois valeurs que tout le monde retient que 6 dont personne ne peut citer sans se tromper. Mieux quelques consignes de ligne éditoriale simples et appliquées qu’une vaste philosophie. Mieux vaut une plateforme de marque mémorisable, à la forme visuelle, dont vos communicants garderont quelque chose en tête dans leur travail quotidien.
Rationaliser son système de marque
Le remède à la brandigestion est bien souvent l’élagage : en faire “moins” plutôt que plus. Et tout d’abord, à l’initiation du projet de plateforme de marque, faire un pas de côté : ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ; énoncer clairement l’optique particulière du projet de marque évite les erreurs structurelles, qui par la suite entraînent les complications rédactionnelles.
Toute marque ou tout projet d’entreprise n’a pas besoin de la même structure de plateforme de marque. Celle-ci doit s’ajuster au besoin spécifique du projet, et n’aura pas besoin des mêmes ustensiles selon que la marque porte un service ou un produit, qu’elle soit digitale avant tout ou physique, qu’elle dispose d’enseignes, de canaux de contact dématérialisés, d’équipes sur le terrain…
Les tiroirs de votre plateforme de marque dépendent également des objectifs qu’elle se fixe : qu’est-ce que l’entreprise veut accomplir avec ce projet ? Qui doit-elle engager autour ? La “vision” dont elle a besoin est-elle une vision d’elle-même dans 5 ans, ou une “vision” du monde qui l’entoure ? En fonction de la réponse, les items complémentaires autour de cette vision ne seront pas les mêmes.
Enfin : méfiez-vous des “buzzwords” qui viennent interférer avec votre strict besoin en matière de fondamentaux d’identité. Les “raisons d’être”, “baselines”, “projets d’entreprise”… ne s’utilisent pas indifféremment et désignent une dynamique particulière qui n’est pas nécessairement celle dont votre entreprise a besoin à ce moment de son aventure. Interrogez votre besoin profond, questionnez la dynamique précise dont votre entreprise a besoin.
Associer le bon niveau de personnes
Un travail aussi substantiel que celui de définir la marque, de la doter de ses attributs… ne peut découler d’un cerveau isolé, et doit à l’évidence être un travail collectif. Pour autant, tout projet de marque ou d’entreprise est une “proposition individuelle” faite à son audience, et émane nécessairement d’une vision et d’une personnalité fortes et singulières.
Comment concilier ce paradoxe ? La tentation de légitimer le projet en montrant qu’il est consultatif et associe largement les collaborateurs est courante… et souvent mal inspirée. Cela ne garantit nullement la bonne appropriation du projet, et dilue nécessairement la force et le caractère que prendra le discours de marque.
A l’inverse, limiter le groupe de réflexion aux VP ou “têtes pensantes” de l’entreprise serait une erreur. Certes ils sont indispensables pour insuffler de la personnalité à la marque, mais il est aussi précieux d’associer des opérationnels, qui utilisent la plateforme et feront vivre la marque. Ce sont eux qui décèleront à temps les complications pratiques que peuvent induire certaines idées émises.